Lettre pour Élise Lucet

Lettre ouverte de Zohar à Élise Lucet
“Snipers Israëliens”

mercredi 10 octobre 2018,

Bonjour Élise Lucet,

Je m'appelle Zohar. Je vis en Israël depuis plus de 9 ans. J'ai vécu en France 42 ans dont 17 à Paris. Je n'ai jamais été sioniste, ni religieuse et ne le suis pas davantage depuis mon arrivée ici.

Je ne suis pas venue en Israël pour fuir l'antisémitisme mais parce qu'un appel profond, de l'ordre d'un sentiment d'appartenance très puissant venu de je ne sais où m'a conduite à ressentir le besoin d'être là. Je ne suis pas nécessairement de ceux qui veulent Israël pour eux et uniquement pour eux ni d'un côté, ni de l'autre. Je suis, naïvement, idéaliste et pense que nous pouvons vivre ensemble en sachant que cela donne lieu aussi à des difficultés qui deviennent des défis, mais c'est le sort de la vie ensemble, comme dans un couple.

Et bon sang nous vivons ensemble ici, en Israël, avec de nombreuses populations aux religions et origines différentes et je vous invite chaleureusement à venir constater par vous-même. Bon an, mal an, je trouve que nous nous en sortons bien et que le partage se fait, et même mieux qu'ailleurs. Nous savons ici vivre avec ceux que nous appelons nos cousins, et qui le sont, tout en gardant un oeil prudent pour tâcher de transformer toute situation désagréable en vecteur de mieux être ensemble.

Mon métier est d'amener mes patients à trouver en eux la paix, l'unité. Leur pointer ce qui va mal chez eux n'est pas la façon la plus efficace de s'y prendre, vous en conviendrez. Pour les aider, je dois voir ce qui chez eux est sain, bon, fort et source d'énergie. Pour réussir à leur montrer qu'ils ont les moyens de passer du conflit intérieur à l'harmonie, je dois pointer leurs compétences, leurs qualités, leurs ressources.

Selon moi, le rôle des pays étrangers dans un conflit extérieur, n'est pas de montrer ce qui ne va pas, mais d'aider à trouver des solutions. J'attends de la part des journalistes aussi qu'ils aient cette posture. Vous savez qu'en montrant des images de violence vous allez générer de la violence. Alors pourquoi poursuivre dans cette voie ? Je suis lasse d'entendre que votre rôle est d'informer, parce qu'il y a une responsabilité directe et lourde qui découle de cet acte que certains aimeraient faire passer pour neutre, sans parti pris, objectif soit disant. Si on arrêtait de s'attribuer des médailles et mettait réellement les mains dans le cambouis ?! Qu'elle soit chez nous ou chez vous, la violence fait des victimes toujours innocentes. J'aime l'humain. Je n'aime pas qu'on attise les luttes partisanes. La France est une poudrière aujourd'hui, plus qu'Israël. Continuer de montrer un conflit du doigt chez nous va attiser le feu chez vous. Vous vivez à Paris ? Avez-vous envie de voir votre capitale à feu et à sang ? Dites-moi, croyez-vous qu'il soit dans le pouvoir du gouvernement Français aujourd'hui de maîtriser la situation entre Gaza et le Sud d'Israël ? Honnêtement ? Si votre rôle est juste d'informer, je vous en conjure, pensez aussi à informer dans un objectif constructif. Pourquoi ne seriez-vous pas des agents de la paix, du dialogue ? Et si vous pensez que la réponse à cette question est 'pourquoi pas ?', alors demandez-vous comment vous pouvez y arriver.

Parmi les nombreuses questions existentielles qu'un individu se pose figure celle du sens qu'il donne à sa vie au travers de ses actions. Quelle valeur défendre et dans quel objectif, mais surtout COMMENT. C'est cela la vraie question : COMMENT ?

Si vous avez lu jusque-là, alors c'est bien et je suis contente. Si le message est passé, alors je suis heureuse.

Shalom, salam, paix à vous.
Amen

Auteur: Zohar